Depuis Juin 2022, Southbridge A&I a l’honneur de s’engager auprès d’ONU Femmes pour accélérer la promotion de l’égalité des genres auprès des institutions financières et du secteur privé au Maroc.
Le dernier discours du Trône de sa Majesté le Roi Mohammed VI, le 30 juillet 2022, est venu réaffirmer l’impératif de l’égalité de genre comme une priorité nationale : « il est indispensable que tous les Marocains, hommes et femmes, prennent une part active à la dynamique de développement », et ce « dans tous les domaines ».
L’accès des femmes à l’activité économique est un enjeu central de développement, à la fois pour la compétitivité économique et les indicateurs de développement humain du Royaume. L’augmentation du taux d’activité des femmes constitue un des objectifs ambitieux du programme gouvernemental 2021-2026, avec une cible de 30% à l’horizon 2026. Or ce taux, de 21,5% en 2021, a connu une phase de baisse cette dernière année, notamment en conséquence de la crise du COVID-19, accentuant de fait la précarité des femmes.
SouthBridge A&I est engagé auprès d’ONU Femmes pour proposer des solutions en rupture, permettant d’atteindre l’objectif gouvernemental. Un parti-pris important est d’utiliser le financement comme véritable accélérateur de l’inclusion économique des femmes, à l’instar de ce qui s’est passé dans certains pays d’Amérique Latine, ayant connu cette transition.
Lors de cet accompagnement d’ONU Femmes, l’équipe de Southbridge A&I a rencontré plus de 50 décideurs de l’écosystème financier (ministres, présidents de banques, directeurs des risques, directeurs d’agences publiques, présidents et présidentes d’associations) pour comprendre et dresser un état des lieux de la situation du traitement de la dimension genre par le secteur financier national. Par ailleurs, plus de 70 cheffes d’entreprises et de coopératives ont également été sollicitées afin de collecter la perspective de la femme entrepreneure sur le système financier au Maroc.
Le diagnostic national réalisé a permis de dresser cinq constats majeurs :
1) Le Maroc est un pays où la Femme entreprend, seulement elle le fait peu dans le monde formel. D’après l’Observatoire Marocain de la très petite, petite et moyenne entreprise (OMTPME), en 2022, seulement 16.2% des dirigeants d’entreprises au Maroc sont des femmes, alors même qu’en moyenne au sein des associations de microcrédit, les projets portés par des femmes représentent plus de 50% du portefeuille. De la même manière, il est estimé que dans l’informel, une entreprise sur 2 est portée par une femme.
2) Par ailleurs, au sein des institutions financières, le risque représenté par les femmes en tant qu’emprunteurs est perçu comme étant moins élevé par la totalité des acteurs financiers interrogés, le remboursement de la dette étant plus rigoureux avec une meilleure visibilité sur les flux futurs. Le taux de défaut est d’ailleurs sensiblement inférieur chez les associations de microcrédit (taux de défaut communiqué à mai 2022 par les associations de microcrédit : 20% chez les hommes contre 17% chez les femmes), qui sont les seules à suivre cet indicateur aujourd’hui.
3) En ce sens, quelques initiatives de financement orienté genre testées au Maroc ont démontré leur capacité à avoir un impact significatif, à l’image du produit Ilyaki de Tamwilcom (ex CGG), lancé en 2013 et dont le mécanisme a permis le financement, via le secteur bancaire et la micro-finance, de 17 000 TPE féminines exerçant dans divers secteurs économiques, avec un volume de crédits garantis à hauteur de 80% atteignant 2 milliards de dirhams.
4) Cependant, le secteur bancaire national a levé moins de 50 millions de dollars de financement orienté genre, quand d’autre pays parviennent à lever des centaines de millions, voire des milliards de dollars. Par exemple, en Colombie, le programme ‘Fundo Mujer Emprende’ de 20 milliards de dollars avec du financement et de l’accompagnement de l’entreprenariat féminin a été mis en place à l’échelle nationale. Alors même que ce financement par les banques peut être très compétitif : Le seul gender bond réalisé au Maroc, mené par la BCP ; a été souscrit à un taux significativement plus bas que le marché par les institutionnels marocains.
5) En réalité, en interrogeant à la fois les institutions financières et les femmes entrepreneures, deux visions complémentaires se dessinent. Selon les banques interrogées, la problématique du financement des femmes ne se situe pas au niveau de l’offre mais est due à une demande limitée. En complément, près de 35% des femmes interrogées jugent ne pas bénéficier d’offres bancaires adaptées à leurs besoins et leurs spécificités et plus de 30% estiment avoir eu des refus de financement directement lié à leur genre.
Ce diagnostic national a fait l’objet d’une session de travail de haut niveau organisée à Casablanca, le 10 novembre dernier, qui a réuni une trentaine de participants : des représentants du Ministère de l’Economie et des Finances, du Ministère de la Solidarité, de l’Insertion Sociale et de la Famille, du Ministère du Tourisme, de l’Artisanat et de l’Economie Sociale et Solidaire, de Bank Al-Maghrib, de l’Autorité Marocaine du Marché des Capitaux, de l’institution Tamwilcom, de l’agence Maroc PME et des banques nationales.
Les discussions ont également porté sur l’extension de la définition des projets/entreprises à financer pour la réduction des inégalités de genre, avec l’introduction du concept de « Gender Lens », aujourd’hui de plus en plus utilisé à l’international par les bailleurs internationaux. Le « Gender Lens » englobe les projets/entreprises portés par des femmes (actionnariat ou gestion), mais également des projets/entreprises favorisant l’emploi des femmes ou développant des services à destination des femmes, œuvrant ainsi davantage pour l’intégration et l’autonomisation des femmes dans le monde économique.
Ont également été discutées la pertinence d’avoir un choc de l’offre autour de produits de financements genrés, différenciés couvrant l’ensemble des solutions de financement (subventions, dettes, capital, garanties) ainsi que la structuration de la demande, avec d’un côté l’accompagnement nécessaire et spécifique pour le développement de l’entreprenariat féminin, et de l’autre côté la mise en place de structures de qualification permettant d’identifier et de cibler les projets « Gender Lens » à financer.
Cette session de travail est intervenue en amont d’un colloque international organisé par ONU Femmes sur la finance durable et inclusive, qui se tiendra à Casablanca le 14 décembre prochain, afin de sensibiliser les acteurs nationaux et internationaux et de présenter une stratégie agressive allant dans le sens de la réalisation des objectifs gouvernementaux.