Managing Partner du cabinet de conseil SouthBridge, Hassan Belkhayat travaille notamment sur les problématiques de financement des PME en Afrique. Pour TelQuel, il liste les défis à relever pour ne pas cantonner la présence des entreprises marocaines sur le continent à celle des grands groupes.
Trop souvent, la présence des entreprises marocaines sur le reste du continent est résumée à celle des grands groupes opérant dans le domaine bancaire (BMCE Bank of Africa, Banque
Populaire, Attijariwafa bank), des engrais (OCP), et jusqu’en 2021 dans les assurances.
Si quelques PME parviennent à se distinguer sur le continent, d’autres refusent de tenter l’aventure de l’Afrique en raison des nombreuses contraintes qui accompagnent un tel projet. Hassan Belkhayat, Managing Partner du cabinet de conseil SouthBridge, synthétise pour TelQuel quatre défis à relever pour changer cette réalité.
1. Assurer les paiements
Les entreprises sont très frileuses quand il s’agit de proposer des délais de paiement à leurs clients en Afrique, en raison des risques perçus liés à ce type d’opération. Au risque intrinsèque de défaut lié à des pays ou à des secteurs, s’ajoutent les risques liés à la disponibilité des devises ou des fluctuations de change très peu maîtrisées.
Dans beaucoup de pays, certains de ces risques peuvent être couverts par des garanties publiques mais cela nécessite une bonne connaissance des réalités sur le terrain. En l’absence de tels mécanismes, les besoins de fonds de roulement vont être inclus soit dans les prix, soit au travers d’intermédiaires coûteux, ce qui rend automatiquement les PME non compétitives. Les entreprises européennes, turques et chinoises bénéficient de ce type de soutien de la part de leurs gouvernements.
2. Fédérer pour mieux exporter
Aujourd’hui, les volumes individuels de chaque entreprise sont trop faibles pour justifier une logistique dédiée. Ainsi, 80% de la production des produits pharmaceutiques marocains destinés à l’Afrique passent par un grossiste en France en absence de circuit logistique plus optimal.
Pour faire en sorte que cet état de fait évolue, il faut que les PME marocaines puissent se rassembler.
Des groupements peuvent permettre la création de plateformes communes dans différents secteurs, mutualisant la logistique, mais également d’autres services pouvant aller jusqu’à la garantie ou le financement.
3. Une diplomatie économique au service des PME
Pour les PME marocaines, il s’agit également de faire face à la compétition venue d’Europe et de Chine par exemple, poussée par leur propre diplomatie. Dans ces deux cas, le soutien aux
entreprises fait partie de l’agenda économique des politiques étrangères de ces pays.
Le Maroc a aussi une politique de coopération, et des écosystèmes très utiles pour le continent peuvent également être poussés systématiquement dans des secteurs comme l’irrigation, l’énergie, les services, etc, critiques pour l’essor de l’Afrique.
4. Réfléchir à investir sur place
Beaucoup de pays en Afrique ont aujourd’hui des politiques d’attraction d’attraction des investissements agressives et de plus en plus crédibles. Certaines PME pourraient considérer des investissements en Greenfield dans ces pays ciblés et s’attendre à des retours beaucoup plus importants dans des logiques d’intégration plus fortes dans ces marchés.
Certains exemples de PME dans l’industrie pharmaceutique, l’agroalimentaire ou encore l’Offshoring, ayant investi directement sur le continent, sont considérés comme des cas d’école où c’est plus intéressant d’investir sur place pour le marché local ou régional, que d’exporter du Maroc. La nouvelle charte de l’investissement permettra également de faciliter ces investissements pour lesquels l’Investisseur marocain est souvent bien outillé.
Cet entretien a été publié dans l’édition n°1021 (du 2 au 8 décembre 2022) de Telquel.